La vallée du Richelieu fait partie de la grande plaine du Saint-Laurent formée par le recul des glaciers il y a plus de 10 000 ans. Le bassin hydrographique formé par la rivière Richelieu et le lac Champlain couvre une distance de plus de 600 km. Le Richelieu, qui coule du sud vers le nord, draine une vaste portion des Appalaches. À l’exception des rapides entre Saint-Jean et Chambly, la rivière est facilement navigable.
Bien avant l’arrivée des Blancs, le réseau fluvial formé par le fleuve Hudson, le lac Champlain et la rivière Richelieu est emprunté par les tribus algiques et iroquoiennes. Les premières traces d’occupation humaine sur le territoire remontent à environ 5000 ans avant aujourd’hui.
La subsistance des premières populations est d’abord axée sur la chasse, la pêche et la cueillette de fruits et de plantes sauvages. Ce sont donc des nomades qui se déplacent de façon saisonnière pour profiter des périodes d’abondance de certaines espèces animales et végétales. Peu à peu les groupes humains développent des stratégies de survie spécialisées à leur milieu de vie, ce qui se traduit par une plus grande affirmation de leur identité culturelle et de leur appartenance territoriale. Ils développent également des réseaux d’échange avec d’autres groupes afin de se procurer certaines matières premières et faire l’apprentissage de nouvelles technologies de fabrication. Les premières peuplades à fréquenter la vallée du Richelieu arrivent durant la période qu’on appelle Archaïque supérieur, qui s’étale de 6000 ans à 3000 ans avant aujourd’hui. Les tribus qui se répandent dans le Sud québécois durant cette période appartiennent aux manifestations culturelles Laurentienne et Post-laurentienne. Il existe au moins neuf sites archéologiques de la région qui ont livré des vestiges de cette époque, dont la Pointe du Gouvernement, le premier site archéologique classé dans la province de Québec. Les populations de l’Archaïque supérieur connaissent bien le travail de la pierre et la technique de polissage pour lui donner une plus grande dureté. Les outils alors fabriqués comprennent notamment des pointes de flèches, des couteaux, des forets, des plombs de filets de pêche et des haches. Graduellement, les groupes post-laurentiens favorisent des rassemblements lors des activités saisonnières. On assiste alors à la création des premières habitations communes. L’introduction de la céramique au Québec a lieu entre 3500 ans et 3000 ans avant aujourd’hui. C’est un événement marquant dans l’évolution culturelle de la région, à la jonction des périodes Archaïque et Sylvicole. Les populations du Sylvicole (qui veut dire «qui habite la forêt») connaissent une forte augmentation. Les objets matériels produits ou fabriqués sont plus nombreux et l’appartenance territoriale est plus évidente. Dans le sud du Québec, on distingue la formation de deux grands groupes, les Iroquoiens qui occupent la vallée du Saint-Laurent et les Algonquins qui peuplent surtout l’intérieur des terres. Les Iroquoiens se sédentarisent graduellement et ont de plus en plus recours à l’agriculture pour subvenir à leurs besoins, alors que les Algonquins, moins nombreux, conservent un mode de vie nomade. La transition vers un mode de vie plus sédentaire, fondé sur l’agriculture, entraîne de profonds changements socio-économiques. La communauté villageoise remplace les groupes autonomes. On occupe dorénavant des villages toute l’année. Ceux-ci sont composés de plusieurs maisons longues abritant plusieurs familles. Ces villages sont localisés sur des terrasses sablonneuses, souvent en retrait des rives du Saint-Laurent. Diverses cultures, dont celles du maïs, du tabac, du tournesol et de quelques espèces de courges deviennent l’activité de subsistance dominante, mais on n’abandonne pas pour autant la chasse et la pêche. La période du Sylvicole prend fin lors du contact des autochtones avec les premiers Européens qui s’introduisent dans la vallée du Saint-Laurent. Divers groupes d’autochtones continueront à fréquenter le territoire du Haut-Richelieu à la suite de l’arrivée des Européens. Les premières reconnaissances par les Français dans cette région sont attribuées à Samuel de Champlain lorsqu’il prête main-forte à un groupe d’Algonquins qui effectuent une incursion en Iroquoisie. La lutte pour le territoire engendrée par le commerce des fourrures viendra exacerber les tensions entre ces deux groupes d’Amérindiens et leurs alliés européens respectifs. La fondation de Montréal en 1642 accentue les rivalités. Sa défense devient tributaire du contrôle de la principale voie d’invasion menant au cœur de la Nouvelle-France, la rivière Richelieu.
En 1665 et en 1666, le régiment de Carignan-Salières est envoyé par le roi Louis XIV pour mener une offensive contre les Iroquois, qui volaient les territoires de chasse des Algonquiens avec qui les Français faisaient la traite de la fourrure. Dans ce but, le régiment construit plusieurs forts sur la rivière Richelieu, dont le premier fort Saint-Jean, à l’origine nommé fort l’Assomption, qui fut construit en 1666 en l’amont des rapides. Carignan-Salières mène par la suite sans succès un raid hivernal contre les Iroquois au sud, puis réussit dans une deuxième tentative en septembre.
Dès juillet 1667, une paix est signée entre Français et Iroquois et en 1672, ne voyant plus la nécessité d’entretenir toute une série de forts en temps de paix, le gouverneur de la Nouvelle-France ordonne l’abandon de plusieurs d’entre eux.
C’est à cette occasion que le fort Saint-Jean fut abandonné, puis possiblement brûlé par les Iroquois. À leur démobilisation, les soldats de Carignan-Salières se virent offrir des terres en Nouvelle-France et le tiers d’entre eux décidèrent de rester sur place et devinrent des colons. Un second fort français fut construit à Saint-Jean en 1748 en raison des tensions que la guerre de succession d’Autriche générait entre l’Angleterre et la France. Cette construction avait pour but de servir de relais entre le fort Saint-Frédéric et Montréal grâce à une route, achevée la même année, qui reliait Saint-Jean et La Prairie, permettant ainsi aux troupes de se rendre plus rapidement à Montréal. Faisant 200 pieds par 200 pieds, ce fort est principalement constitué de palissades de bois et de quatre bastions, dont deux en pierres. Lorsque la Guerre de Sept ans éclate en 1756, un chantier naval est installé à Saint-Jean et Montcalm ordonne la rénovation et la fortification du fort, qui commençait à l’époque à être en mauvais état. Au départ, les Français parviennent à mener à bien une expédition offensive au sud du lac Champlain en 1757, mais rapidement la situation se détériore et ils essuient plusieurs échecs. En 1760, soit un an après la défaite des plaines d’Abraham à Québec, des renforts anglo-américains d’environ 3500 à 5000 hommes remontent la rivière Richelieu pour prendre le sud de la colonie. Les soldats français du fort Saint-Jean, n’étant pas assez nombreux pour repousser l’ennemi, sont contraints d’abandonner le fort. Avant de partir, ils décident d’incendier le fort afin de ne pas le laisser à leur ennemi et se replient par la suite à Montréal, dont la capitulation marque la fin de la guerre de Sept Ans dans les colonies nord-américaines.
Le fort Saint-Jean ne disparut pas cependant pas avec la Conquête. Ses bastions de pierre, qui survécurent à l’incendie du fort, furent utilisés par les Britanniques comme relais entre les forts Chambly et l’Île-aux-Noix jusqu’en 1775, date à laquelle les autorités coloniales décidèrent de construire un nouveau fort à Saint-Jean en raison des tensions grandissantes entre l’Angleterre et les États-Unis en devenir, qui planifiaient envahir la "Province of Québec". Ce troisième fort est constitué de deux redoutes reliées par une tranchée.
Le nouveau fort Saint-Jean de 1775 fut appelé à jouer un rôle capital dans la défense de la colonie lors de l’invasion américaine de 1775 puisqu’il soutint un siège de quarante-cinq jours avant de rendre les armes, ce qui affaiblit énormément les forces américaines et chamboula leurs plans. La saison étant trop avancée et les hommes ne se faisant pas assez nombreux une fois arrivés à Québec, les Américains ne furent pas en mesure de prendre la ville et durent revenir sur leurs pas pour aller se réfugier au sud du Lac Champlain au printemps lorsque des renforts anglais de 9000 hommes arrivèrent à Québec. Ils abandonnèrent et brûlèrent par la même occasion tous les forts qu’ils avaient pris au nord du Lac Champlain pour ne pas les laisser à leurs ennemis. Par la suite, les Anglais reconstruisirent le fort et créèrent de nouvelles fortifications pour contrer une attaque américaine potentielle, dont un réseau de remparts entourant le fort. Ils décidèrent aussi de faire revivre le chantier naval et construisirent pendant l’été de 1776 plusieurs dizaines de navires qui servirent à mener une offensive contre les Américains sur le Lac Champlain. Le fort Saint-Jean servit par la suite de lieu de ravitaillement jusqu’à la fin de la guerre d’indépendance en 1783. Il servira de dépôt et de relais pendant la guerre de 1812-1814 où s’affrontent à nouveau les Britanniques et les Américains. Dans les années qui suivent, le fort se détériore rapidement et le nombre de bâtiments qu’il abrite connaît une baisse croissante jusqu’en 1839, date à laquelle les autorités coloniales décident de fortifier le fort Saint-Jean, car ils craignent que la région connaisse des épisodes de révoltes de la part des patriotes. Les Royal Engineers construisirent à cette occasion les plus vieux bâtiments existants encore sur le site de nos jours, dont le Mess des Officiers.
Après 1839, des troupes impériales, puis le Royal Canadian Rifle Regiment (1867-1870) furent de passage au fort Saint-Jean pour tenter d’enrayer le problème de désertions le long de la frontière. En 1883, on organisa à Saint-Jean une école d’infanterie, l’Infantry School Corp, qui fut à l’origine du célèbre Royal Canadian Regiment, le premier régiment canadien.
Le Royal Canadian Dragoons établit aussi son école de cavalerie à Saint-Jean de 1906 à 1914 et de 1920 à 1939. Durant la Première Guerre mondiale, des troupes reçurent leur formation à Saint-Jean avant de partir pour l’Europe, dont le 22e bataillon, qui devint, à la suite de la Grande Guerre, le Royal 22e Régiment et qui fut fondé au fort Saint-Jean. Durant la Seconde Guerre mondiale, un centre d’entraînement de l’armée canadienne fut établi à Saint-Jean à partir d’août 1942 sous le nom de No. 48 Canadian Army (Basic) Training Center.
C’est en 1952 que le Collège militaire royal de Saint-Jean, la première et unique université militaire bilingue du Canada, est fondé à Saint-Jean. Il accueille tout d’abord l’année préparatoire seulement, mais avec les années en vient graduellement à offrir les quatre années de cours nécessaires à l’obtention d’un grade de sous-lieutenant. En 1995, le CMR ferme ses portes et un organisme à but non lucratif, la Corporation du Fort St-Jean, voit le jour pour commercialiser le site afin d’éviter qu’il sombre dans l’oubli et que l’état des bâtiments se dégrade. C’est en 2008 que le CMR renaît de ses cendres et que la Gouverneure générale Michaëlle Jean est venue commémorer la réouverture du Collège militaire royal de Saint-Jean.